Paris- Catherine Vautrin a donné son accord (pour 18 mois) pour une expérimentation nationale la tarification horaire des soins infirmiers.
Autorisé par le PLFSS de 2018, le dispositif « Equilibres », qui a permis à des infirmières libérales d’être rémunérées à un taux horaire et non plus à l’acte, semble avoir convaincu une majorité d’entre elles. Avec l’accord du ministère de la Santé, Equilibres devrait pouvoir rentrer dans le droit commun à terme, à la suite d’une expérimentation de 18 mois.
« Les infirmières s’épuisent et perdent le sens de leur métier » avec la tarification à l’acte
« Jamais je ne reviendrai à la tarification à l’acte », raconte à nos confrères de Libération Emilie Etienne, infirmière libérale de 36 ans. Comme des centaines de ses collègues, elle a pu expérimenter le dispositif Equilibres, qui a été mis en place à titre de ballon d’essai en Île-de-France, en Occitanie et dans les Hauts-de-France.
La fin de la tarification à l’acte fait partie des principales revendications des infirmières libérales depuis des années. « Les infirmières enchaînent les actes, manquent de temps pour les patients, s’épuisent et perdent le sens de leur métier » dans le système actuel, regrette Mathieu Nochelski, codirecteur de l’association Soignons humain, qui a justement participé à imagination d’Equilibres.
Les praticiennes libérales ont par ailleurs mené des opérations escargot ce lundi et se mobiliseront de nouveau demain pour protester contre leurs conditions de travail et la revalorisation des tarifs des actes.
Avec Equilibres, un travail plus consciencieux auprès des patients
Mais Equilibres pourrait bien changer la donne. Avec une tarification horaire, les infirmières ont la possibilité de prendre le temps qu’il faut pour s’occuper de chaque patient, sans devoir comptabiliser les actes réalisés, et se demander s’ils valent vraiment la peine d’être pratiqués, même s’ils sont importants pour la santé physique ou mentale des patients…
« Avant, je courais, et c’était frustrant parce que la nomenclature des actes est très restrictive. Pour les cancers, il n’y a presque rien », souligne ainsi Laurianne Derreux, infirmière de 46 ans dans le Gard. « Avec Equilibres, mon intervention n’est pas limitée aux injections prescrites après une chimiothérapie. J’ai une patiente qui a un cancer du sein. Quand elle m’a contactée, j’ai pu faire une évaluation clinique qui prend tout en compte, le physique, le psychologique, l’environnement et le comportement de la personne vis-à-vis de sa santé ».
Par ailleurs, les infirmières ayant expérimenté Equilibres soulignent toutes un aspect important : elles ont le temps d’être à l’écoute des patients et peuvent même en profiter pour les former, eux et les proches, à certains gestes simples. Faire un pansement, une injection… Une économie de temps pour les libérales et un gain indéniable en autonomie pour les patients.
En sus, le dispositif permet d’être entouré par des « facilitateurs ». « Ils nous forment et ensuite nous « coachent » pour qu’on travaille en équipe autogérée. Mes deux remplaçantes ont leur mot à dire », explique ainsi Emilie Etienne. « Par exemple, pour une nouvelle prise en charge, chacune doit donner son accord. On décide ensemble ».
Le premier rapport fait état d’une expérimentation très positive et satisfaisante
Ces témoignages confirment les remontées d’information qui ont été faites au ministère : l’expérience est nettement positive, selon le rapport d’évaluation de l’expérimentation remis aux autorités sanitaires, en novembre dernier. Celui-ci fait part d’une « importante simplification administrative » pour les infirmières, un travail en équipe important et un « sens retrouvé du métier » grâce à la fin de la tarification à l’acte. Les patients sont eux aussi satisfaits de l’expérience.
Un autre aspect risque également de plaire au gouvernement : Equilibres a entraîné une baisse des dépenses. L’évaluation rapporte une diminution du nombre d’hospitalisations doublée d’une amélioration de l’état de santé des patients. Au bout du compte, la consommation globale de soins a chuté de 25 %, ce qui représente environ 1600 euros dépensés en moins par patient !
Le ministère de la Santé a d’ores et déjà émis un avis favorable sur le dispositif auprès du comité stratégique, où siègent aussi des représentants des professionnels de santé et de l’assurance maladie. Equilibres va être autorisé à titre expérimental pendant 18 mois avant une entrée probable dans le droit commun.
Un tarif horaire à réévaluer ?
Toutefois, les infirmières libérales (notamment franciliennes) souhaiteraient une revalorisation du tarif horaire, fixé à 53,94 euros. Il a été calculé à partir du chiffre d’affaires (CA) annuel médian national d’un infirmier libéral en 2013 (dernières données disponibles au moment du lancement du dispositif en 2018), qui était donc de 73 500 euros. Or les infirmières franciliennes font remarquer que, déjà à l’époque, le CA était de 90 000 euros en Île-de-France.
Equilibres a donc eu peu de succès, pour cette raison, en région francilienne, avec seulement 4 % de participants. Espérons que le tarif horaire soit donc revalorisé avant le lancement officiel du dispositif.